Comment préparer et animer un débat ?


Problématique

Le débat est une approche souvent plébiscité pour permettre aux apprenants de construire une argumentation et de reconsidérer leur point de vue ou leurs pratiques professionnelles. Mais un débat peut aussi être une source de tension, de conflit et de jeu de pouvoir préjudiciable à un véritable apprentissage.
Sur un sujet qui soulève des questions d'éthique, des savoirs d'expérience ou scientifiques, et qui suscite des émotions, deux enjeux sont à considérer par l'animateur du débat :
- assurer la discussion sans exercer de pouvoir sur le groupe ou les individus et sans générer de jeux de pouvoir,
- traiter le sujet tout en garantissant la liberté d'expression des participants.

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Par conséquent, du point de vue de la conduite pédagogique à tenir, plusieurs questions se posent. Comment proposer un cadre pour aider les participants à échanger ? Comment combiner l'éthique de la discussion (discuter "démocratiquement" avec le sentiment que chacun est écouté) avec les techniques d'animation (imposer une méthode formelle qui respecte le contrat : durée, temps, gestion de la parole, gestion de l'espace, etc.) ? Comment maintenir la double posture d'animateur au sens restreint du terme et de guide pour parfois orienter le débats ?

Certains sont à l'aise avec cet "entre-deux", d'autres sont plus gênés ou ne se sentent pas capables de le faire. Ils sont souvent plus à l'aise pour délivrer leurs propres connaissances, alors qu'il est nécessaire ici d'aider à favoriser l'expression des opinions de chaque participant et co-construire ensemble de l'inédit.

Objectif

Pour l'éducateur : permettre une pensée critique, attentive et créative constructive

Pour l'apprenant :

Méthode

Il existe différents types de débats. Certains tendent à diviser le groupe, comme la bataille d'arguments, d'autres visent à dépasser les conflits. Tout dépend des objectifs que vous vous fixez.

Une bataille d'arguments ou un débat mouvant peut être utilisé au début d'un processus pédagogique. Ils permettent à l'éducateur de mettre en lumière les principaux arguments des participants.
Un cercle samoan ou une discussion à visée philosophique au contraire faciliteront la production d'une réponse nouvelle, nuancée, non définitive, reconnaissant la complexité, et stimuleront des compétences d'écoute, de reformulation et de questionnement. Ils seront à même de favoriser l'intelligence collective pour répondre à la question posée.

La méthode CLIM est également un outil intéressant pour générer un débat, et soutenir un argument avec différentes ressources (films, textes scientifiques). Elle est particulièrement utile lorsque le groupe de participants est important (plus de 30 personnes). Le groupe est alors divisé en sous-groupes. Dans chacun d'entre eux, les participants ont un rôle à jouer dans le processus d'apprentissage. Les textes et les films sont choisis avec soin pour stimuler le débat et maintenir un principe d'impartialité (l'éducateur prendra alors soin de choisir ses ressources pour couvrir les principaux points de vue, les principales éthiques en jeu).

Anicare met à disposition une plate-forme, Aniphi, qui permet un débat ouvert et à distance. Son principal intérêt est de permettre un échange anonyme de points de vue sur une situation problème (dilemme, question philosophique, étude de cas, ...) entre les participants d'un groupe. Après avoir offert la possibilité aux participants de partager et d'approfondir leurs arguments, il est proposé aux participants de découvrir des pratiques professionnelles filmées susceptibles d'introduire de nouvelles connaissances, de nouvelles éthiques.

Comment conclure un débat ?

L'animateur pourra opter pour l'une des deux postures suivantes. Dans la première, tous les arguments sont acceptés, et l'éducateur "institutionnalisera" les principaux savoirs, principales éthiques qui auront été mentionnés par les participants et les mettra en perspective en montrant les principales controverses éthiques et scientifiques en jeu dans la société civile ou dans le monde scientifique (il pourra d'appuyer à cette fin sur une carte des controverses qu'il aura crée ou sur celle que nous lui proposons). Dans la seconde, l'éducateur ne donnera pas la même valeur à chaque argument énoncé durant le débat. Il les mettra en perspective des réglementations européennes, des lois en vigueur.
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Écueils et recommandations

L'éducateur doit avoir une vue d'ensemble de la question, des réglementations sur le bien-être des animaux, des points de vue scientifiques et des controverses et arguments éthiques. Sans cette connaissance, il ne peut institutionnaliser ce qui s'est joué durant le débat.

Il doit permettre l'échange entre les participants sans tenter d'imposer son propre point de vue, et de prendre parti. Les participants doivent être en confiance avec lui. Par conséquent, si il peut donner son opinion (notamment si les participants le sollicite à le divulguer), il prendra soin de ne pas être dogmatique, de ne pas discréditer ou promouvoir d'autres points de vue. L'enseignant doit donc avoir une position basse sur les opinions données par les apprenants et leurs jugements, mais avoir une position haute en ce qui concerne la conduite du processus. En d'autres termes, il doit maintenir une posture affirmée pour faire vivre les règles de conduite, de bienséance, ....

Si l'animateur aura soin de permettre aux participants les plus silencieux de s'exprimer, il sera aussi vigilant à éviter les effets de leadership. Il pourra par exemple annoncer des modifications des règles pour les adapter à la situation. Si une personne parle trop, il pourra annoncer qu'il donnera la priorité à ceux qui parlent moins. Si les gens se coupent la parole, il est également possible de proposer un bâton de parole.
Si, au contraire, les participants ne veulent pas parler, un film présentant une controverse vive pourra être présenté (comme un film sur la fin de vie des animaux).
Le rôle de l'animateur est également de guider la construction de l'argumentation. Il/elle demandera aux participants des éclaircissements ou une étude plus approfondie.

Animer un débat peut être chronophage. Vouloir aller trop vite, ou être rattrapé par le temps, lui est souvent préjudiciable.
Avoir un attendu trop précis, vouloir un argumentaire de meilleure qualité, peut conduire l'animateur à faire pression sur le groupe, et en exigeant trop, de bloquer les échanges.

Le débat doit éclairer les connaissances scientifiques mais aussi les connaissances expérientielles, l'éthique et l'émotion.privilégier le savoir scientifique, c'est risqué de rechercher la pure rationalité.

Une question délicate souvent posée par les éducateurs est de savoir s'il faut ou non accepter tous les arguments et tous points de vue. Selon quel critère un enseignant peut-il dire si quelque chose est acceptable ou non ? Selon la loi, la science, l'éthique ?
Il n'y a pas de réponse univoque à une telle question. Cela dépend du cadre que l'enseignant pose au début du débat. Toutes les opinions sont-elles acceptées si elles sont argumentées ? Acceptons-nous des pratiques professionnelles qui sont interdites ? Acceptons-nous des arguments qui sont scientifiquement erronées ?