Mettre les participants dans une démarche réflexive


Problématique

Les éducateurs, comme de nombreux professionnels, comme nous tous, agissons sans nécessairement prendre le temps de réfléchir à l'action. Les difficultés rencontrées, mais aussi les succès ne sont pas remis en question, ou sont sujets à une interprétation rapide sans véritablement prendre le temps de vraiment remettre en question ce qui s'est joué dans l'action.
L'approche réflexive se veut favoriser l'articulation entre la pratique et la formation. Permettre la réflexion sur l'action, c'est permettre de se professionnaliser, de trouver des réponses à ses difficultés.

Objectif

Pour le formateur : mettre en évidence les nouvelles connaissances qu'une activité pédagogique a permis, de surmonter les difficultés de l'enseignement.

Pour le stagiaire : être conscient de son propre processus d'apprentissage dans le cadre d'une approche pédagogique active.

Méthodes proposées

De nombreuses méthodes sont possibles pour permettre un retour réflexif sur une pratique pédagogique. Nous allons considérer plus particulièrement deux situations : (1) avec un groupe d'éducateurs, vous avez testé une situation-problème et vous souhaitez obtenir un retour d'information sur le processus lui-même ; (2) un éducateur a testé une stratégie pédagogique dans un contexte professionnel et souhaite la requestionner.

1. Retour d'information sur une situation-problème


Dans le premier cas, un groupe d'éducateurs a vécu la même stratégie pédagogique fondée sur une situation-problème. Le formateur invite les stagiaires à prendre un temps d'auto-réflexion sur la base de questions spécifiques tel que :
Qu'est-ce qui vous a surpris ? Quelles nouvelles connaissances avez-vous apprises ? Quelles connaissances et valeurs avez-vous reconsidérées ? Quelles connaissances et valeurs avez-vous confirmées ? Avec quelles connaissances et valeurs êtes-vous finalement d'accord ? Avec quels contenus et quelles valeurs êtes-vous finalement en désaccord ? Quelles nouvelles connaissances auriez-vous besoin d'acquérir ? Comment pourriez-vous les obtenir ?

Selon vous, quand le contexte pédagogique vous a-t-il permis d'apprendre et pourquoi ? Quand le contexte pédagogique a-t-il entravé l'apprentissage et pourquoi ? Qu'avez-vous apprécié pendant le processus ? Qu'est-ce que vous n'avez pas aimé pendant le processus ? Aimer ou ne pas aimer ne mesure pas l'apprentissage. Vous pouvez ne pas aimer quelque chose, mais cela peut être efficace du point de vue de l'apprentissage, et vice versa. Mais c'est une façon de suivre l'émotion d'un apprenant et d'analyser les racines de cette émotion plus profondément (par exemple, je peux me sentir mal à l'aise d'écorner un veau sous la pression de l'enseignant : si ce malaise est généré par des raisons éthiques, celles-ci sont-elles prises en considération par l'enseignant) ? Quelles ont été vos émotions au cours du processus (essayez de considérer le changement d'émotions au cours du processus) ?

Cette première étape de réflexion peut être suivie d'une co-réflexion par groupe de trois à quatre personnes. Celles-ci sont invitées à comparer leurs réflexions issues de la première étape. En général, cette deuxième étape permet d'approfondir l'auto-réflexion. Enfin, dans un troisième temps, chaque groupe peut échanger ensemble. Le contenu de cet échange permet au formateur d'institutionnaliser les principales connaissances mises en lumière durant le temps de réflexivité.
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2. Réflexivité sur une pratique professionnelle

L'approche dite "analyse de groupe de pratique professionnelle" (GAPP) nous semble intéressante car facile à mettre en œuvre et elle permet à chaque participant de s'inscrire dans un processus d'apprentissage.

L'approche de l'analyse de la pratique peut être conçue comme un moteur de développement professionnel, en accord avec le travail de Schön sur le praticien réflexif qui apprend dans et à partir de la pratique. Les compétences professionnelles en général et l'acquisition de connaissances liées au bien-être des animaux en particulier, se développent à partir d'une confrontation avec des situations réelles complexes, de l'émergence de problèmes analysés en vue de la réglementation, ou d'une pratique considérée comme réussie. Par conséquent, les interactions entre les éducateurs, le partage des expériences, les expériences concertées et les échanges contribuent au développement des compétences professionnelles. Cette même perspective interactive fait de la discussion de groupe le cœur de la méthodologie de l'éducation des adultes : l'argumentation développée entre pairs est la méthode privilégiée de l'apprentissage en groupe.
Le groupe d'analyse de la pratique implique une organisation des méthodes de communication et d'argumentation.
La méthodologie, bien qu'elle soit censée favoriser les échanges, est parfois vécue comme frustrante par les participants.
L'animateur du GAPP veille à ce que les règles soient respectées comme suit.
Il énonce au préalable les principes de bienveillance, de non-jugement et de confidentialité.
Il ou elle dirige les étapes suivantes :

1. Identifier le problème
Au début de la session, chaque participant discute d'une situation dans laquelle il se trouve.
Le choix de la situation à analyser se fait par le biais d'un vote des participants dans lequel l'accompagnateur ne vote pas.
Tout au long de l'année, nous veillons à ce que les différentes personnes puissent contribuer à présenter une situation.

2. Le porteur de la situation choisi présente l'ensemble de la situation avec les détails qui lui semblent important.

3. Les participants peuvent poser des questions pour obtenir des éclaircissements
Cette phase se termine en demandant au porteur de formuler sa question/sa préoccupation.

4. Chacun des participants donne à tour de rôle son point de vue, sans porter de jugement, en fonction de ce qu'il a entendu sur la situation ou le problème. Il n'y a pas de possibilité de réaction immédiate de la part de la personne porteuse de la situation, ni des autres participants. À ce stade, il est intéressant de voir si la manière de poser le problème a changé.

5. Proposer des pistes d'action
Chaque personne suggère des pistes d'action qui pourraient commencer par "si j'étais à votre place...".

6. La personne qui a présenté la situation fait le point en donnant ses sentiments, son point de vue...

Écueils et recommandations

Les participants à un groupe d'analyse des pratiques doivent avoir le sentiment de faire partie du processus. Une attitude passive ou qui montre un réel manque d'intérêt est préjudiciable au processus. Parfois certains participants ne sont pas conscients qu'ils peuvent tirer des enseignements de l'analyse d'une expérience effectuée par un collègue.
Il est donc également important, à la fin d'un groupe d'analyse de la pratique, d'interroger tous les participants sur ce qu'ils ont appris.

Exemples/témoignages

"La réflexion sur l'outil est vraiment importante. Elle permet aux formateurs et aux stagiaires de réfléchir à l'ensemble de la procédure et à ses implications. Dans notre cas, les étudiants étaient vraiment intéressés par la discussion des tours "à distance" et par certains commentaires des autres collègues. Il y a beaucoup de choses auxquelles ils n'auraient même pas pensé s'ils n'avaient pas eu ce type d'approche, et même lorsqu'ils ne pouvaient pas se mettre d'accord sur certaines opinions, ils étaient enclins à les accepter, et ont même mentionné qu'ils avaient passé un certain temps à réfléchir à ce point de vue différent. Ils ont qualifié l'expérience de très intéressante.
Tous les participants ont dit que c'était une façon vraiment intéressante de penser à ce sujet, et qu'ils y prenaient plaisir ("c'est amusant", a dit l'un d'entre eux, "de voir que les autres pensent si différemment et que j'étais en fait engagé dans des idées différentes, et que j'y pensais)"
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