Comment élaborer une situation problème adaptée à la stratégie didactique ?


Enjeux

Les conceptions des apprenants à l'égard du bien-être animal s'ancrent dans des valeurs à l'égard de l'animal, de la relation homme-animal, du métier d'éleveur. Leur permettre d'en prendre conscience, d'en saisir la dimension subjective, de les étayer sur le plan scientifique, de les faire bouger supposent de générer un conflit cognitif, émotionnel et/ou éthique. Faire réfléchir les élèves à une situation-problème, un dilemme ou une question à visée philosophique est est un des moyens de générer un tel conflit.
Comme le dit un étudiant : "Sans situation-problème, cela aurait été plus dans du " bla-bla " sur des considérations personnelles mais dont on n'arrive à rien retirer. Là, tout le monde a la même chose, on part tous de la même situation".

Objectif

Pour l'éducateur : élaborer une situation-problème permettant une dissonance cognitive, un conflit socio-cognitif.

Pour l'apprenant : confronter son point de vue, développer son argumentation, élaborer de nouvelles idées.

Méthode

Avant de définir une situation-problème, il est nécessaire de se clarifier sur l'obstacle à surmonter ou sur les compétences à travailler.
Unesituation-problème peut relever d’une étude de cas fictive, d’un cas réel, d’une formulation qui fait obstacle (qui crée un conflit cognitif, qui dérange), d’un problème qui semble impossible à résoudre, d’un résultat qui ne semble pas logique, d’un dilemme, d’une question philosophique. Elle doit être suffisamment complexe pour permettre différentes solutions possibles, toutes aussi acceptables les unes que les autres, et/ou à envisager plusieurs stratégies de résolution.
Les informations fournies et les éléments susceptibles de susciter le questionnement constituent un travail délicat à mener. Ils doivent questionner, perturber les références, agacer, surprendre. En effet, "les apprenants aiment parler de leurs pratiques mais en général ils ne les comparent à rien. Or, pour faire un choix, il faut avoir une vision des possibles à mettre en œuvre. Si vous connaissez une seule pratique, vous ne pouvez pas réaliser de choix. Si vous ne connaissez que la pratique de vos parents ou de votre maître de stage, vous ne pouvez pas réaliser de choix. Savoir pourquoi je fais tel ou tel choix, c'est construire son identité professionnelle" (propos d’un professeur de zootechnie). Il est donc nécessaire de fournir à l’apprenant des informations et des pratiques nouvelles qui lui sont inconnues, ou qui lui sont considérées marginales. C’est pourquoi Anicare met à votre disposition un panel de vidéos d’éleveurs avec plusieurs façons d'agir autour d'une même situation professionnelle. Ces pratiques ne sont pas proposées en vue d’être envisagées comme des bonnes pratiques qu’il faudrait suivre, mais plutôt pour ouvrir l'esprit de l'apprenant sur d'autres possibilités, pour stimuler sa créativité.
image portugalsentence.jpg (4.5MB)

Exemples

L'étude de cas qui suit a été proposée à des étudiants, futurs éleveurs, pour développer un jugement éthique relatif à l’aménagement de la litière des vaches :

"Suite à une réorganisation du système d'alimentation du troupeau laitier, un éleveur a le projet à la fois de moderniser ses étables et de produire des céréales pour la vente. Jusqu'à présent, les vaches disposaient d'une litière de type logette en béton avec ajout de sciure de bois (le directeur commercial de la scierie, un voisin, va bientôt prendre sa retraite et ne sera probablement pas remplacé). Les vaches ne sortent pas à l'extérieur, car les prairies ne sont pas regroupées autour de l'étable. Elles sont nourries au foin, à l'ensilage de maïs et à la farine de soja. L'agriculteur utilise un robot de traite depuis une dizaine d'années. Il a observé une baisse de la production laitière d'environ 10 % au cours des cinq dernières années, même s'il a procédé à une sélection génétique rigoureuse de son troupeau. Le vétérinaire n'observe aucune anomalie dans les prises de sang réalisées mais a néanmoins signalé un taux de boiterie d'environ 20 % des animaux. Que conseilleriez-vous à l'éleveur pour ses projets de modernisation des bâtiments ?

Cette situation-problème avait pour but de savoir si le bien-être des animaux est pris en compte dans le raisonnement de l’apprenant, avec quelle conception, et comment il est intégré dans le raisonnement économique, technique.
Le dilemme est un type de situation-problème qui invite l'apprenant à stimuler l’élaboration d’un jugement éthique. La proposition choisie doit donc être un réel dilemme pour l'étudiant (et pas seulement pour l'enseignant). En effet, si l'ensemble du groupe avait une opinion tranchée sur le dilemme, celui-ci n’aurait pas de potentiel pédagogique, car il ne permettrait pas d'approfondir le processus d’argumentation. Si, au contraire, il génère un malaise chez l’apprenant, il devient alors source d'apprentissage.
En voici quelques exemples :

- Faut-il ou non écorner les veaux ou les vaches ?
- Doit-on castrer les porcelets ou maintenir leur intégrité ?

Une autre forme de situation-problème relève du débat à visée philosophique. Son objectif est d'atténuer l'expression des émotions et de favoriser une pensée rationnelle. A titre d’exemple, "l'élevage est encore acceptable dans notre société" ou "produisons-nous ou élevons-nous des animaux ? “ sont des sujets judicieux à proposer.

Proposer à l'apprenant de se projeter dans l'avenir, ce que nous nommons une éducation à la prospective, peut également aider les apprenants à élaborer une pensée critique et créative, à problématiser, à identifier les problèmes sociaux. Par exemple : "au regard de la situation sociale actuelle et des différents points de vue sur le bien-être des animaux, quelle sera à votre avis la relation homme-animal de production en 2050 ?

image IMG_1989.jpg (1.6MB)

Écueils

Lors de l’animation d’une situation-problème, on peut être facilement enclin à conseiller l’apprenant plutôt qu'à l’accompagner à élaborer sa réflexion. Conseiller conduit alors à faire une partie du travail pour l'étudiant, en risquant de couper court à sa créativité. Accompagner suppose de comprendre où l'étudiant est bloqué et l'aider à trouver une solution à son problème.

Si la situation-problème est évaluée par une note, l'étudiant craindra l'erreur et ne se sentira plus en confiance pour fonctionner par tâtonnements
Si les cas d'étude sont attrayants pour certains apprenants (comme les étudiants agriculteurs), ils mettent généralement les étudiants ingénieurs ou vétérinaires plus mal à l'aise. Ces derniers demandent beaucoup d'informations et ont plus de difficultés à réfléchir avec des informations incomplètes. En d'autres termes, ces étudiants veulent avoir une vision systémique du problème en considérant plusieurs dimensions, et il est généralement impossible de décrire une situation en donnant toutes les informations nécessaires. Néanmoins, il est impossible de donner dans la description d'une étude de cas toutes les informations qui pourraient être requises. Il est également possible de ne donner que certains des éléments du problème. Les éléments manquants seront demandés à l'animateur et fournis au fur et à mesure que les étudiants y réfléchiront.
Habituellement, l'apprenant cherche les objectifs de l'éducateur. Il réduira consciemment ou non sa façon de penser en fonction de ce qu'il pense que l'éducateur attend de lui, comme le dit cet étudiant : "Je pense que vous vouliez nous orienter vers un type d'élevage de vaches. Et donc nos réponses étaient orientées dans cette direction ".